cancer du sein transition démographique et épidémiologique

Article : 11 septembre 2015

Transition démographique, transition épidémiologique et cancer du sein
La transition démographique est un phénomène mondial caractérisé par une diminution progressive du nombre d’enfants par femme compensé par une diminution de la mortalité en particulier infantile.
Ses conséquences sont multiples non seulement économiques mais aussi médicales. Elle s’accompagne en effet d’une évolution de la nature des maladies mortelles touchant les populations. Les maladies infectieuses, telles la peste et le choléra, sont aujourd’hui remplacées par les cancers et les maladies de société.
Le cancer du sein est l’exemple type de maladie issue de la transition démographique et épidémiologique

Transition démographique

L’évolution moderne des populations mondiales ne se fait pas vers une explosion démographique comme on le craignait. Au contraire, on a pu constater que toutes les populations passent d’un taux de natalité fort avec taux de mortalité élevé, à un taux de natalité faible et de mortalité faible. Ce modèle démographique, appelé transition démographique, prédit que toutes les populations du monde vont évoluer de la même façon, avec des décalages de calendrier dans cette évolution. Ce phénomène est dû à l’amélioration de l’alimentation, de l’hygiène, des progrès sanitaires et de l’industrialisation.

La transition démographique comprend 3 grandes périodes :

  • une période de démographie traditionnelle qui date des débuts de l’humanité, plus précisément du paléolithique et a pris fin avec l’ère industrielle. Elle est caractérisée par un taux élevé d’enfants par femme ( >6 ) et une forte mortalité en particulier infantile. Les populations sont stables,

  • une période de transition plus ou moins longue associant une diminution de la fertilité et de la mortalité. Les populations augmentent dans un premier temps car la mortalité baisse plus vite que le taux de fécondité,

  • une période de démographie moderne avec une si faible mortalité qu’il suffit d’à peine 2 enfants par femme pour la maintenir stable. Dans certains pays la population diminue du fait d’un taux trop faible de fécondité.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Transition_démographique





Transition épidémiologique

Cette transition démographique s’accompagne d’une transformation des causes de décès, les maladies infectieuses disparaissant progressivement au profit des maladies chroniques de société et des cancers. Cette autre évolution a été théorisée sous le terme de transition épidémiologique par Abdel Omran en 1971. L’amélioration de l’alimentation et l’augmentation de la durée de vie des populations sont à l’origine de cette dernière.

Il distingue ainsi :

  • l’âge des pestilences et de la famine où la médecine est totalement inefficace et l’espérance de vie de 30 ans,

  • L’âge du recul des pandémies où l’espérance de vie augmente rapidement grâce à l’invention de la médecine et de l’hygiène,

  • L’âge des cancers et des maladies de société où l’espérance de vie tend à se stabiliser à un niveau très bas. La médecine reste impuissante vis à vis de ces maladies alors que les causes sont connues et que les solutions existent. L’augmentation de l’espérance de vie aux USA s’est récemment infléchie pour la première fois. Une rupture notable avec l’idée que l’espérance de vie ne pouvait plus s’arrêter d’augmenter.




Jadis les maladies infectieuses dévastatrices trouvaient dans la malnutrition et l’absence d’hygiène les conditions de leur apparition. Elles ont disparu grâce aux progrès de la médecine et en particulier à ceux de la médecine préventive. Car ce sont l’amélioration des conditions d’hygiène et les vaccins qui sont venus à bout des grandes pandémies mondiales. Et non pas les traitements antibiotiques.
Aujourd’hui, le cancer du sein trouve dans l’augmentation considérable de l’imprégnation hormonale des femmes les conditions de son développement.
Nous ne le ferons pas disparaître par le dépistage ou des nouveaux traitements. La solution est comme pour les maladies infectieuses dans la lutte contre son terreau, à savoir l’imprégnation hormonale inutile en dehors du projet d’enfant.



Le cancer du sein : une maladie de la transition démographique

En phase démographique moderne, à cause d’un taux faible de fécondité, toutes les conditions sont présentes pour l’éclosion du cancer du sein. Car sont concomitants de la diminution de la fertilité la disparition des facteurs naturels limitant le nombre de cycles et donc l’imprégnation hormonale des tissus féminins.
Ces facteurs naturels sont :

  • un faible nombre d’enfant par femme,

  • associé à la disparition progressive de l'allaitement maternel,

  • l’augmentation de l’espérance de vie permettant à beaucoup de femmes d'atteindre l’âge de la ménopause,

  • une puberté de plus en plus précoce.


Pour toutes ces raisons, le nombre de cycles au cours d’une vie est passé d’une centaine de cycles ( Trevathan 2007 ) pendant la phase de démographie traditionnelle de type paléolithique à plus de 450 au cours d’une vie de femme en période moderne.
Cette augmentation du nombre de cycles, et donc de l’imprégnation hormonale est aggravée par :

  • un âge à la première grossesse de plus en plus tardif qui amplifie les effets des hormones sur la glande mammaire,

  • une augmentation du poids corporel qui accentue l’imprégnation hormonale du fait de la transformation, dans la graisse, des hormones mâles en hormones femelles.

 

Comparaison des paramètres reproductifs entre la femme du paléolithique et celle d’aujourd’hui ( d’après Eaton SB 1994 )




Le cancer du sein : une épidémie mondiale à venir.

L’épidémie de cancer du sein concerne tous les pays qui ont fini leur transition démographique depuis plus de 30 ans ( Europe, USA ) et débute dans les pays dont la transition démographique est plus récente.


Monde entier

Quels que soient les pays, l’incidence du cancer est inversement liée au taux de fécondité ( 30 ans auparavant ) comme le montre le graphique ci-dessous.


Ces courbes sont issues de l’article de Bonnie Kaiser :
https://www.academia.edu/2916923/What_predicts_breast_cancer_rates...

On constate que l’incidence du cancer du sein est fortement corrélée au taux de fécondité par femme. Le nombre de 4 enfants par femme sépare deux nuages de points : l’un avec une incidence du cancer supérieure à 40 pour 100 000 où se trouvent les pays développés, l’autre avec une incidence inférieure à 40% où se trouvent les pays en voie de développement. Il ressort un effet protecteur vis à vis du cancer du sein à partir de 3 enfants par femme.

Cet autre graphique montre combien l’épidémie de cancer du sein est destinée à se propager dans différents pays.




France

L’augmentation du cancer du sein en France et en Europe s’est faite subrepticement au rythme de la transition démographique lente qui a débuté dès la fin du 17° siècle pour se terminer à l’ère industrielle. Le cancer du sein s’est installé dans le paysage médical à partir de 1950. Cette année là, on dénombrait déjà un peu plus de 4000 décès par cancer du sein. Sachant qu’à l’époque une femme sur 3 décédait de son cancer, le chiffre de 12 000 cancers du sein par an est vraisemblable. Comparé au 50 000 cancers annuel que nous avons aujourd’hui, ce chiffre donne la mesure de l’ampleur de l’épidémie qui s’est déployée sur près d’un demi siècle. Dans les années 50, ce n’était d’ailleurs pas le cancer le plus fréquent chez la femme. Il n’arrivait qu’en 3° position après le cancer de l’estomac et de l’intestin, à égalité avec le cancer de l’utérus. Notons que le cancer de l’estomac a vu son incidence s’effondrer grâce tout simplement aux progrès de l’hygiène alimentaire. L’incidence du cancer de l’utérus, plus précisément de l’endomètre a quant à elle diminué de moitié pendant ce temps grâce à l’utilisation de la pilule œstroprogestative.
La pilule contraceptive aurait permis d’éviter 200 000 cancers du sein au cours des dix dernières années ( Beral V, 2015 ). Une pilule sans cycle ajouté aurait permis d’éviter en plus un nombre incalculable de cancer du sein. Toujours est-il qu’aujourd’hui avec 50 000 cas nouveau tous les ans, le cancer du sein est de loin le plus fréquent chez la femme et occupe le premier rang dans la plupart des pays industrialisés y compris le Japon.

En 50 ans, l’incidence du cancer du sein a donc été multipliée par 4 en France. Le risque d’être atteint d’un cancer du sein en fonction de l’année de naissance reflète bien ces données : si le risque de développer un cancer du sein est de 6 pour 100 pour une femme née en 1920, il est de 9 sur 100 pour une femme née en 1950

Japon et Corée

Au Japon, où la transition démographique est beaucoup plus récente et a été beaucoup plus rapide, le nombre de cycles a augmenté très rapidement. Aussi l’incidence du cancer du sein qui été très faible, aux alentours de 16 pour 100 000, a subi une constante augmentation passant à 47 pour 100 000 en 1995. Ce taux reste faible comparé aux taux d’incidence élevés ( 100 pour 100 000 ) observés aux Etats Unis et en Europe mais les prévisions sont pessimistes avec l’occidentalisation du mode de vie. Notons que les filles de migrantes japonaises vers la Californie qui ont adopté un mode de vie occidental plus tôt que leurs compatriotes restées au pays, ont un taux d’incidence de cancer du sein qui rejoint celui des américaines ( Ziegler RG 1993 ).

Au Japon beaucoup de paramètres ont contribué à augmenter le nombre de cycles et le risque de cancer du sein dont :

  • Une espérance de vie depuis longtemps élevée.

  • L’âge de la puberté est passé de 15 ans en moyenne chez les femmes nées aux alentours de 1950 à 12,5 ans chez celles nées en 1980.

  • La natalité a fortement diminué pendant ces dernières 50 années, passant d’un taux de 3,7 enfants par femme en 1950 à 1,4 par femme en 1995.

Source : DEMOGRAPHIC RESEARCH. VOLUME 7, ARTICLE 5, PAGES 271-306 PUBLISHED 06 AUGUST 2002
www.demographic-research.org/Volumes/Vol7/5/ DOI: 10.4054/DemRes.2002.7.5



Encore plus frappant est le cas de la Corée car contrairement au Japon, l’espérance de vie est restée faible jusqu’en 1950.
https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population...

  • l’âge de la puberté est passé de 17 ans en moyenne chez les femmes nées aux alentours de 1920 à 13,8 ans chez celles nées vers 1980 ( Ghor GH 2010 ).

  • La natalité a fortement diminué pendant ces dernières 50 années, passant d’un taux de type pré transitionnel de 6 enfants par femme en 1950 à 1,2 en 2010 ( Lim GW 2011 ).

  • Les durées d’allaitement on diminué simultanément.

  • L’espérance de vie qui était inférieure à 50 ans a fortement augmenté, si bien que de plus en plus de femmes vivent au delà de la ménopause.

Et le risque de cancer du sein a été multiplié par 3 dans la tranche d’âge 45-49 ans ( Jung KW 2013 )


Conclusion

Revenir à des modes de reproduction pré transitionnels est impossible et non souhaitable. Le rappel de ces faits n’est pas destiné à faire revenir les femmes à la maison en vue d’instaurer une famille nombreuse, ni de leur faire renoncer aux acquis de la contraception.
Mais au lieu d’investir des sommes considérables dans le dépistage par mammographie, il serait préférable de développer une prévention du cancer centrée sur sa cause. Le cancer de l’estomac qui est dû dans 80% des cas à une bactérie alimentaire, a fait une chute spectaculaire non pas grâce à un quelconque dépistage ou progrès thérapeutique mais grâce au frigidaire et à la machine à laver la vaisselle. Le cancer de l’endomètre, d’origine hormonale a également beaucoup régressé grâce à la pilule contraceptive œstroprogestative qui s’oppose au développement cyclique de l’endomètre, cancérogène.
Pour le cancer du sein qui est lié à l’imprégnation hormonale et donc au nombre de cycles dans une vie de femme ( étude E3N ), la solution ne peut être qu’ hormonale par la suppression de l’activité des ovaires. Ce que nous savons faire avec la pilule progestative mise au point par Pincus en 1950. Si la pilule était restée telle quelle, sans ajouter un cycle artificiel, l’épidémie de cancer du sein aurait été évitée. Il est urgent de revenir à cette pilule primaire qui se contente de bloquer les cycles pour protéger les générations futures. Promouvoir une meilleure gestion des hormones et en particulier des règles est la solution qui s’impose naturellement et qui fonctionne. Rappelons que l’incidence du cancer du sein a baissé récemment du fait de la diminution de prescription des traitements hormonaux de ménopause.
Le cancer du sein disparaitra aussi vite qu’il s’est développé grâce à une utilisation massive de la pilule sans règles. À l’instar du cancer de l’estomac qui a quasiment disparu grâce à l’utilisation du frigidaire et des antibiotiques.